vendredi 14 septembre 2012

Lauren Anderson : des success stories au phénomène mondial de la “collaborative consumption”


La consommation collaborative : microphénomène médiatique ou changement de paradigme ? Quels enjeux et questions soulève la croissance exponentielles de start-up devenues en quelques années des plateformes internationales et incontournables  ? Lauren Anderson nous a livré son point de vue au cours d’un OuiShare talk au rythme enlevé samedi 25 août dernier.
Depuis deux ans, Lauren Anderson, community director de collaborativeconsumption.com, est en contact direct avec les principales start-up de la consommation collaborative à travers le monde suite à la publication du très médiatisé livre What’s mine is yours de Rachel Botsman, et à la colonne ‘Collaborative Entrepreneurs’ publiée deux fois par moisSes publications et points de vue sont repris régulièrement dans des médias internationaux.
Avant de s’engager dans la promotion et le développement de la consommation collaborative, Lauren a été impliquée dans l’innovation sociale en Australie en apportant supports et visibilité auxchangemakers australiens au sein d’Asix (Australian Social Innovation Exchange).

Les belles success stories sont en train d’impulser un phénomène global

Depuis, deux ans, la consommation collaborative s’est développée un peu partout dans le monde et AirBnb illustre bien cette progression. À Paris, on trouve des hôtes à chaque coin de rue, et la startup a récemment été valorisée à un milliard de dollars lors de sa dernière levée de fonds. Plus globalement, 400 millions de dollars auraient été investis dans des start-ups de la consommation collaborative en 2012 aux Etats-Unis.
L’étendue des domaines qui éveillent aujourd’hui l’intérêt des entrepreneurs, investisseurs et consommateurs / utilisateurs  est colossal : autopartage, covoiturage, partage d’expérience, partage de connaissance, prêt, location ou troc d’appareils individuels ou de services, … Plusieursstart-up de “dog-sharing” seraient en train de voir de jour à San Francisco…
Pour Lauren et Rachel deux catégories permettent de classer ces initiatives :
  • Redistribution markets : les plateformes de mise en relation d’individus qui s’échangent, se prêtent ou se louent entre eux des produits et des services qu’ils possèdent (AirBnB,thredup.comgazelle.comkladbyte.se).
  • Product service systems qui se rapprochent d’une logique de paiement à l’usage (vs paiement à l’achat). Ces systèmes sont mis en place et organisées par des organisations plus que par des individus et les actifs sont centralisés (Vélib, Zookal pour les livres scolaires).
  • Collaborative Lifestyles qui rassemblent les initiatives permettant de partager un espace disponible (Couchsurfing, Airbnb, …), des expériences (Gidsy, Vayable, …) ou des compétences (SkillShare, CupOfTeach, …)
Au-delà de ses aspects économiques ou pratiques (louer plutôt qu’acheter, ne pas acheter, …) la consommation collaborative fait appel à des motivations plus aspirationnelles : établir de nouveaux types de relations, s’impliquer dans  une communauté.
“UTILISER INTERNET POUR SORTIR D’INTERNET” ~ PHOTO @ANTOLEONARD
De la même façon, si pratiquement toutes les initiatives de la consommation collaborative utilisent les technologies digitales, elles ne s’y limitent pas et elles servent d’outils pour construire des relations et des échanges dans le monde physique.

Les moteurs qui font avancer ces initiatives

De la présentation des différents exemples de start-ups et de l’analyse qu’en fait Lauren, 5 moteurs semblent soutenir et faire se développer ces initiatives :
  • la préférence des individus pour  l’accès par rapport à la possession
  • l’envie d’authenticité, d’expérience, de personnalisation
  • une meilleure utilisation des ressources par l’élimination des gâchis de capacité disponibles
  • l’utilisation quotidienne de technologies et de plateformes sociales et localisées
  • l’émergence et la montée en puissance de communautés de confiance

Quatre questions à l’agenda de la consommation collaborative

Lauren a conclu sa présentation avec quatre questions qu’elle estime être au coeur des problématiques de demain :
  • Comment construire des communautés de confiance digitales ?
  • Que se passera-t-il pour les acteurs économiques actuels si la consommation collaborative devient la norme ?
  • Quel doit être le rôle des gouvernements dans ce mouvement ?
  • Quelle coexistence entre des marques Hyperlocale et  globales ?
  • Quel sera le rôle de la monnaie dans ces transactions ?

Le best of :

Voici quatre moments choisis de nos échanges qui ont particulièrement retenu notre attention :
We might one day laugh at this thing we called money!
Il se pourrait bien qu’un jour nous rigolions de ce truc que nous appelions jadis “monnaie”
Voilà entre autre ce qu’à répondu Lauren à la question : “Quel est avenir de la monnaie dans un monde d’échange de moins en moins monétarisés ?” Si les communautés se développent et établissent en leur sein des transactions non monétaires (échange, don) ou avec une monnaie propre à la communauté  (monnaies complémentaires), le rôle de la monnaie comme nous la connaissons aujourd’hui sera limité aux échanges entre communautés.
Community is the main value driver
La communauté est le principal vecteur de valeur
Le nombre d’acteurs de l’offre augmente rapidement et la demande ne progresse pas au même rythme, ce qui conduit à une diminution des parts de marchés pour chaque acteur. C’est la capacité à créer, développer et animer une communauté qui permet de  défendre ou  faire progresser une position sur le marché. La communauté peut-être le point de départ (ex : couchsurfing), ou construite au fil du développement économique (ArBnB), elle devient le critère de valorisation principal. Les entreprises du futur créent des “relations empathiques avec leur communauté”, dirait Simone Cicero.
Couchsurfing a su créer un des meilleurs système de confiance. C’est ce qu’ont valorisé les investisseurs qui sont entrés au capital récemment avec l’évolution de la structure. Cette évolution actionnariale et le probable changement d’objectifs associés risquent-ils de se traduire par un désengagement de la communauté ? La question est posée.
A new middle man
Un nouvel intermédiaire
Comme le faisait remarquer Antonin Léonard, la consommation collaborative n’annonce pas la fin des intermédiaires, mais un remplacement d’intermédiaires, un rebattement des cartes. Les plateformes sont les nouveaux gatekeepers [gardiens du temple] qui cherchent à contrôler l’accès au marché. La question des modalités de la mobilité d’une plateforme à une autre pour un utilisateur est encore posée, même si les initiatives vont plutôt dans le sens de plateformes propriétaires et exclusives.
If you don’t buy a product, you are the product.
Si vous n’achetez pas le produit, vous êtes le produit.
Reprenant cette citation à son compte, Frédéric Mazzella, fondateur de BlaBlaCar, faisait justement remarquer qu’à l’instar de Facebook, une partie des plateformes de la consommation collaborative, notamment celles d’échange de biens matériels, se financent principalement par la publicité. Les développements de la publicité en ligne vers un marketing plus communautaire et social (search vs network advertising) mettent les individus en situation d’être les promoteurs de produits ou de services en échange d’un service de consommation collaborative gratuit. Pour l’instant les contreparties sont équilibrées et les utilisateurs acceptent majoritairement cet échange. Mais la question reste ouverte de la durabilité de cet équilibre et de l’impact de la généralisation de ces pratiques.
Cette présentation et l’intéressante discussion qui a suivi m’ont donné envie de formaliser quelques réflexions à la questions posée par Lauren : Que se passera-t-il pour les acteurs économiques actuels si la consommation collaborative devient la norme ?

Source : OuiShare

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