lundi 26 mars 2012

Les nouveaux objectifs pour les énergies renouvelables au sein du bouquet énergétique japonais

Les conséquences de la catastrophe de Fukushima ont créé une situation complexe en termes de gestion de l'énergie au Japon. Jusqu'au 11 mars 2011, le paysage énergétique était bien connu : les énergies renouvelables représentaient 9% de l'électricité générée, alors que le nucléaire en représentait 26%, le gaz naturel liquéfié 28%, le charbon 25% et les dérivés pétroliers 13%. Après cette catastrophe, la production d'électricité d'origine thermique a remplacé celle d'origine nucléaire, les réacteurs s'arrêtant les uns après les autres pour des opérations de maintenance et n'étant pas relancés en raison de la forte réticence des populations. Le Japon qui fait face depuis le 11 mars à une situation d'urgence, réutilise de façon provisoire les anciennes centrales thermiques. Il s'est cependant fixé de nouveaux objectifs très ambitieux pour un développement rapide des énergies renouvelables.

L'accroissement énorme des énergies renouvelables : un défi difficile

Les nouveaux objectifs du gouvernement conduisent les différents acteurs de l'énergie à produire un effort considérable : en effet, au lieu d'un objectif initial de 20% de l'électricité produite renouvelable en 2030 (Plan cadre énergétique-juin 2010), ce même but doit être atteint en 2020, soit deux fois plus vite que précédemment. Ce nouvel objectif ambitieux qui est pour l'instant officieux, a été formulé dans une déclaration de l'ancien Premier Ministre Naoto Kan en mai 2011 au sommet du G8 et à l'OCDE. Ces valeurs seront officiellement définies dans le nouveau plan cadre énergétique, attendu pour l'été 2012.

Ce chiffre de 20% conduit à une équation difficile à équilibrer, lorsque l'on sait que 8 des 9% que représentent les énergies renouvelables dans la production totale sont actuellement issues de l'hydroélectricité. L'hydroélectricité représente déjà un marché quasiment à saturation et la seule perspective de croissance est la promotion de la " micro-génération " (très petites génératrices). Cela signifie donc que l'effort va porter essentiellement sur les autres énergies renouvelables. Seul 1% de la production actuelle d'énergie est réalisée par des énergies renouvelables autres que l'hydroélectricité. La part de ces énergies doit être multipliée par 12 en 8 ans pour atteindre l'objectif des 20% en 2020 au lieu de 2030 prévu initialement. Cela conduit, selon M. Hiratsuka, à une croissance considérable qui portera essentiellement sur le photovoltaïque et l'éolien ; la géothermie et la biomasse ne seront que faiblement développées. Plusieurs dispositifs ont été créés afin d'augmenter la proportion des énergies renouvelables dans le pays. En 2003, la mise en application du système RPS (Renewable Portfolio Standards) rendait obligatoire un certain pourcentage de production d'origine renouvelable pour les compagnies d'électricité. Ce pourcentage est fixé par l'Etat et concerne l'ensemble de la vente d'électricité.

=> L'énergie solaire : le photovoltaïque

Le Japon a été pendant longtemps le pays leader dans le domaine de la conversion photovoltaïque (PV), principalement grâce au soutien de la recherche depuis le premier choc pétrolier en 1974 (Programme Sunshine) et au " Residential PV system dissemination programme " de 1994 qui avait pour objectif de créer un marché économiquement prospère.

En 2004 le Japon occupait la 1ère place en termes de capacité de production et de puissance totale des panneaux PV installés. C'est alors que, considérant que cette technologie était devenue mature, le Japon a décidé de ne plus la subventionner. La Chine est devenue en 2007 le principal fournisseur de modules photovoltaïques avec la fabrication de 35% à 40% des modules dans le monde et les principales entreprises productrices chinoises ont produit en 2010 une quantité de cellules PV plus de trois fois supérieure à celle de leurs homologues japonaises.

Malgré ces différences de volumes, la qualité des cellules et modules " made in Japan " reste une référence mondiale. Les principales entreprises japonaises (Sharp, Panasonic, ...) travaillent avec des instituts de recherches et universités (AIST, Université de Tokyo...) pour conserver des records mondiaux en termes de rendement pour de nombreuses technologies.

Un système de tarif de rachat aux particuliers du " surplus d'électricité " produite a été mis en place en 2009. Fixé à 48 yens/kWh à ses débuts, le tarif est réévalué chaque année pour les nouvelles installations et sera appliqué pendant 10 ans. Ce système devrait être complété en juillet 2012 par la mise en application d'un tarif de rachat fixe pour toutes les énergies renouvelables (le photovoltaïque pourra être plus cher que les autres énergies renouvelables). De nombreuses entreprises ont annoncé le développement de systèmes axés sur les énergies renouvelables, précisément car le tarif de rachat leur garantit une certaine rentabilité. Des subventions sont également disponibles pour les particuliers et les entreprises afin de réduire les coûts liés à l'installation. Enfin, il existe des mesures fiscales pour les entreprises permettant de déduire une partie du montant de l'installation.

=> L'énergie éolienne

Fin 2010, l'énergie éolienne représentait au Japon 2 440 MW. L'espace libre sur le Japon étant limité et l'éolien générant une pollution visuelle et sonore, les efforts porteront sur le " offshore " ; l'implantation d'éoliennes sur les fonds marins très près des côtes n'est pas souhaité. Il en résulte une forte volonté de développer des éoliennes " flottantes " ancrées sur des grands fonds. Ces éoliennes qui doivent résister à un milieu marin agressif, aux forts vents et aux tsunamis, nécessitent donc des recherches avancées sur la résistance de câbles électriques soumis à de fortes tensions et ceux assurant l'amarrage. Notons qu'il existe une certaine réticence des pêcheurs à la mise en place de ces parcs d'éoliennes. Aujourd'hui des projets sont financés par l'Etat et certains sont en cours de réalisation : 1) Un projet du Ministère de l'Environnement ; 2) Un projet de recherche et démonstration d'une ferme éolienne flottante en mer (METI), participant à la reconstruction du Tohoku (au large de Fukushima). Cette ferme devrait produire de l'ordre de 1000 MW avant 2020 et associe de nombreuses entreprises japonaises.

=> L'énergie géothermique

Le Japon dispose de ressources géothermiques importantes, estimées à 23,5 GW (3ème rang mondial, après les Etats-Unis et l'Indonésie). Il existe déjà un certain nombre de centrales de génération d'électricité par géothermie: cela représente 540 MW, que l'on peut comparer avec les 2 400 MW produits au Japon par la seule énergie éolienne. Depuis 1999, aucun nouveau site n'a été mis en service, même si quelques projets sont actuellement à l'étude. Bien que le potentiel géothermique soit énorme, son développement se heurte à trois difficultés difficilement surmontables : 1) la préservation des parcs naturels où sont localisés les sites potentiels d'implantation des centrales ; 2) le très vif rejet des exploitants de sources thermales qui y voient un risque de détérioration de leur ressource ; 3) l'implantation et la commercialisation des centrales géothermiques reste très longue (10 ans).

Il est à noter que cette industrie représente une part importante de l'économie nationale avec un revenu annuel de 550 milliards de yens, le deuxième marché des sources thermales après les Etats-Unis. Néanmoins plusieurs pistes de développement sont explorées comme l'usage des techniques de forage issues de la recherche pétrolière (forages latéraux) qui préservent l'environnement et la réalisation des systèmes de surveillance des réservoirs géothermiques, qui permettent d'assurer la coexistence entre bains et centrales géothermiques. Enfin, le développement de systèmes de productions binaires, utilisant un fluide intermédiaire dont le point d'ébullition est bas sont à l'étude. Par ailleurs il est envisagé un développement de petites centrales de production d'énergie simultanément à l'implantation de nouveaux établissements thermaux. Certaines sources d'eau trop chaudes qui ne peuvent pas être utilisées directement pour des bains thermaux, peuvent en effet être refroidies par de nouvelles centrales géothermiques générant de l'électricité pour un usage local.

=> Les autres énergies renouvelables

L'énergie hydroélectrique étant déjà bien développée par l'intermédiaire de grands barrages et réservoirs, les recherches portent actuellement sur les installations de petite envergure et la " micro-génération ". Par ailleurs, l'utilisation de biomasse non-alimentaire pour la fabrication de biocarburants fait également l'objet de nombreux travaux de recherche et d'initiatives industrielles au Japon.
ORIGINE : BE Japon numéro 610 (23/03/2012) - Ambassade de France au Japon / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/69530.htm
Source : Compte-rendu d'une rencontre avec M. Jiro Hiratsuka au Ministère de l'Environnement (MOE) (Deputy Director, Climate Change Policy Division, Global Environment Bureau)

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