vendredi 26 novembre 2010

Les jeunes entreprises innovantes risquent de s'exiler

Le statut de jeune entreprise innovante permet à une PME âgée de moins de huit ans de bénéficier d'une exonération des charges sociales pendant huit ans sur les salaires de ses collaborateurs qui participent à des projets de recherche.
Neuf associations dénoncent de mesures prises par le gouvernement et les parlementaires qui vont augmenter de 30 à 40% le coût de la masse salariale des PME employant des ingénieurs et des chercheurs.
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Chasser les niches fiscales tout en déclarant vouloir encourager l'innovation est un exercice difficile. Des mesures du projet de loi de finances 2011 défendues par des parlementaires et le gouvernement provoquent la colère de plusieurs associations professionnelles.

France Biotech, CroissancePlus, le comité Richelieu, Esprits d'Entreprises, le Medef, le syndicat national du jeu vidéo, l'association française des éditeurs de logiciels, le Leem, l'association des entreprises du médicament, et le pôle de compétitivité Cap Digital dénoncent les menaces qui visent les 2200 start-up et PME ayant le statut de «jeune entreprise innovante».

Ce statut permet à une PME âgée de moins de huit ans de bénéficier d'une exonération des charges sociales pendant huit ans sur les salaires de ses collaborateurs qui participent à des projets de recherche.

«Je suis surpris et choqué par la réforme envisagée. Le gouvernement vide de son sens le statut de la jeune entreprise innovante alors qu'il a été créé il y a seulement six ans et est efficace. Il aurait fallu ne rien changer car une start-up sur un marché innovant comme les biotechnologies ou les énergies nouvelles a besoin de 8 à 12 ans pour lancer ses produits sur le marché» explique Philippe Pouletty, président d'honneur de France Biotech. La réforme du statut et les mesures votées par les parlementaires qui réduisent le crédit impôt recherche «vont augmenter au premier janvier de 30 à 40% le coût de la masse salariale des chercheurs des start-up innovantes. Si de telles mesures étaient appliquées aux cafés restaurants ou chez France Télécom, ce serait la révolution», poursuit Philippe Pouletty.

À Bordeaux, les fondateurs de la start-up Libcast spécialisée dans l'Internet qui emploie 8 personnes, cherchent une parade. «Cette décision nous oblige à de sérieux ajustements. Nous devons revoir notre business plan et notre stratégie mais pas de fond en comble», témoigne Sandrine Mayoux, l'une des trois associés. La jeune entreprise qui vise 300.000 euros de chiffre d'affaires cette année, pourrait aller s'installer à Londres. «L'Ambassade de Grande-Bretagne à Paris nous a contactés. Les Anglais souhaitent attirer de petites entreprises innovantes comme la nôtre», observe Sandrine Mayoux.

En région parisienne, l'entreprise Theraclion hébergée à l'hôpital Cochin travaille sur le scalpel du futur. «Notre société est la première au monde dans son domaine. Nous nous attaquons à un problème de santé publique. Notre produit va permettre de soigner entre autres l'ostéoporose, une maladie qui coûte de 12 à 15 milliards d'euros par an à l'Europe et qui touche 75 millions de personnes dans le monde», raconte le docteur Ismaël Nujurally, directeur général de Theraclion. La start-up qui emploie 10 personnes dont 9 ingénieurs et docteurs diplômés bac plus 5, va prendre du retard dans ses projets. «Il est incompréhensible de changer les règles du jeu. Je m'apprête à mettre l'entreprise en bourse. Convaincre des investisseurs privés va prendre plus de temps car la masse salariale va augmenter», poursuit le docteur Ismaël Nujurally. Je regrette que le développement des sociétés innovantes soit freiné. C'est une incitation à aller ailleurs si la recherche devient trop chère en France».

Aldebaran Robotics qui conçoit des robots personnels et emploie 100 salariés dont la moitié de chercheurs, ingénieurs et polytechniciens, étudie elle aussi comment s'adapter. «Les mesures envisagées qui touchent les jeunes entreprises innovantes et le crédit impôt recherche, auront un impact de 500.000 euros sur notre trésorerie dès le premier janvier. Comme la société n'a pas ces 500.000 euros en caisse, nous devrons soit baisser nos efforts de recherche soit délocaliser notre recherche à Taiwan où elle coûte moins cher», affirme Fabien Bardinet, directeur général adjoint d'Aldebaran Robotics.

Ce changement de cap déclenche des réactions d'autant plus fortes que les grandes entreprises échappent aux coupes claires. «Christine Lagarde a pris cette semaine au Sénat la défense du crédit impôt recherche pour les grands groupes. J'espère aussi l'entendre dire que l'économie de 54 millions prévues par la réforme du statut de la jeune entreprise innovante n'est pas justifiée eu égard aux 2 milliards d'euros de recherche investis chaque année par les PME», conclut Philippe Pouletty.

Source: Yann le Galès, Figaro

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